À travers leurs travaux, les deux invitées questionnent le processus de socialisation à l’université et ses effets en termes de sentiment de culture commune ou d’émancipation. La discussion permettra d’interroger l’expérience étudiante et de questionner la spécificité de l’université dans l’espace fortement ségrégatif de l’enseignement supérieur.
- Pour suivre à distance, lien WebSuite: https://meet.gip-numerique.bzh/810451418
En être ou pas ? Jeunesses étudiantes et socialisation universitaire.
Elisa Champciaux – CENS – Université de Nantes
Les représentations ordinaires de l’Université l’envisagent comme une institution aux cadres lâches et à l’expérience faiblement intégrative, contrairement à d’autres formations de l’enseignement supérieur où l’encadrement serait plus enveloppant et davantage support de cohésion, comme les STS, les IFSI ou encore les CPGE et les grandes écoles. Le « temps élastique » universitaire et la présence des étudiants en pointillés sur les campus – quand certaines formations du supérieur proposent des emplois du temps pleins – peuvent en effet rendre difficiles et moins efficaces les pratiques de sociabilités et les formes de socialisation étudiantes. Tandis que les élèves et anciens élèves des grands établissements d’élite (ENS, HEC, X, etc.) se définissent, et se revendiquent de leur appartenance institutionnelle, même longtemps après l’obtention de leur diplôme, les sortants d’Université mettraient davantage en avant leur titre scolaire que son lieu d’acquisition. L’enjeu de ce projet de thèse est de questionner, derrière les représentations, les pratiques réelles d’identification des étudiants d’Université. Prog.JES_17_06-3Dans quelle mesure l’institution universitaire, par sa règlementation spécifique (pédagogie informelle, autonomie étudiante, effectifs nombreux, indépendance des enseignants chercheurs, etc.), peut-elle constituer malgré tout un lieu de construction d’une culture commune ? À quelle échelles (celles de l’institution, des départements ou des UFR, des disciplines, des diplômés ou encore des groupes de TD) le sentiment d’appartenance se joue-t-il ? Selon quelles cartographies des groupes et des collectifs socialement significatifs se construisent ils ? Dans le cadre de quelles activités (scolaires, sportives, culturelles, de sociabilité, etc.) des autodéfinitions collectives trouvent elles ou non à s’ancrer ?
Corps, émancipation à l’université
Bleuenn Lollivier – CREAD – Rennes 2
Si la notion d’émancipation est régulièrement analysée au prisme de la « dialectique irrésolue entre l’ordre social et sa remise en question, entre la permanence du social (les institutions, les dispositifs, les formes structurées de la domination) et sa réinstitution conflictuelle » (Tarragoni, 2016, p. 132), il paraît néanmoins compliqué d’aboutir à une définition claire et précise de la notion d’émancipation en sociologie
« tragiquement désarmée face à cette question » (Tarragoni, 2014, p. 94). Ainsi, de façon paradoxale, plus le mot est devenu un étendard pour les luttes démocratiques, plus il s’est éloigné? des sciences humaines et sociales (Tarragoni, 2021). Pourtant, les établissements d’enseignement supérieur en général et les universités en particulier, dédiés aux savoirs et à la transformation sociale (Amboulé Abath, 2021), ont vu leur
« responsabilité institutionnelle » (McNair et al., 2020) renforcée par leur démocratisation et la diversité qui l’accompagne. De sorte qu’étudier l’institution universitaire et analyser les dynamiques émancipatrices, notamment au travers des corps, qui tentent d’exister en son sein constitue un angle privilégié pour saisir ce que l’université fait aux étudiantes. En effet, en tant qu’espace de conscientisation de l’assignation des rôles et statuts de chacun·e, l’université tient une place importante dans la construction des ressorts de l’émancipation.